Nouvelle application de la notion de déséquilibre significatif en matière de franchise


Par un arrêt du 28 février 2024 destiné à être publié (pourvoi n° 22-10.314), la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi qui avait été formé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2022 (RG n° 20/00737) ayant condamné un franchiseur au paiement d’une amende de 500 000 euros sur le fondement de l’ancien article L. 442-6 III (actuel L. 442-4) du code de commerce pour le sanctionner d’avoir soumis les membres de son réseau de franchise à un déséquilibre significatif. Les clauses créant ce déséquilibre, notamment relatives à la résiliation du contrat, ont été annulées.

La Cour de cassation refuse d’abord de suivre le franchiseur qui soutenait, assez paradoxalement, qu’en raison de sa mission de garant de l’ordre public économique, le ministre de l’économie aurait dû connaître la teneur du contrat de franchise dès sa signature et qu’ainsi son action était irrecevable en ce qu’elle avait été engagée tardivement. La Cour juge que le point de départ du délai de prescription de l’action du ministre fondée sur l’article L. 442-6 I 2° ancien du code de commerce doit être fixé au moment où lui ont été révélés les premiers dysfonctionnements par l’enquête de la Dgccrf, excluant ainsi toute surveillance générale par les services du ministère des conventions signées.

La Cour exclut ensuite que la transaction conclue entre le franchiseur et certains franchisés dans le cadre du litige prive le ministre de ses pouvoirs et rende irrecevable son action sur le fondement l’article L. 442-6 III ancien du code de commerce.

Elle rappelle par ailleurs que l’appréciation de l’existence d’une soumission ou tentative de soumission des franchisés au sens de l’article L. 442-6 I 2° ancien du code de commerce relève du pouvoir souverain des juges du fond, puis apprécie l’existence d’un déséquilibre significatif dans la clause « intuitu personae » stipulée au contrat.

Cette clause subordonnait à l’accord du franchiseur toute cession ou transmission du contrat de franchise en cas d’évolution de la structure du franchisé et imposait à ce dernier d'informer le franchiseur « de tout projet ayant une incidence sur la répartition actuelle de son capital ou de celui de son principal actionnaire, ou dans l’identité de ses dirigeants effectifs au minimum 2 mois avant la réalisation de l’opération projetée », information à la suite de laquelle le franchiseur pouvait décider unilatéralement de résilier le contrat.

La chambre commerciale approuve la cour d’appel d’avoir annulé cette clause aux motifs cumulés de l’absence de réciprocité et de son imprécision quant aux conditions de mise en œuvre pouvant conduire à la résiliation anticipée du contrat.

La société mère du groupe franchiseur contestait également sa condamnation in solidum, faisant valoir qu’elle n’avait pas rédigé les clauses inclues dans les contrats conclus par des sociétés avant leur acquisition par le réseau de franchise. Conformément à sa jurisprudence qui approuve la condamnation in solidum au paiement de l’amende civile de celui qui, sans être directement l’auteur de pratiques restrictives de concurrence, profite de la situation que ces pratiques ont créée (Com. 4 octobre 2016, n° 14-28.013 ; Com. 15 janvier 2020, n° 18-10.512), la Cour rejette également cette critique en relevant que la cour d’appel avait constaté qu’elle n’avait pas mis fin aux pratiques restrictives après l’acquisition des sociétés ayant rédigé les contrats.

Enfin la Cour refuse d’exercer un contrôle sur les modalités de publication de la décision décidée par les juges du fond.


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