Médiation et cours des délais après le décret n°2025-660 du 18 juillet 2025


Un point sur comment un processus de médiation se concilie avec le cours de différents délais en matière civile, compte tenu des modifications opérées par le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 qui modifie la numérotation des textes applicables et apporte quelques changements de fond.

Ce décret est applicable à compter du 1er septembre 2025 aux procédures en cours, sauf en ce qui concerne les règles relatives aux conventions relatives à la mise en état, qui ne s'appliqueront qu'aux procédures introduites à compter de cette date, étant souligné à cet égard qu’il résulte de l’article 127 du code de procédure civile que les procédures seront désormais par principe instruites conventionnellement et que ce n’est qu’à défaut d’instruction conventionnelle que les affaires seront soumises aux règles de procédures définies par le code de procédure civile.

Aucun texte ne prévoit spécifiquement les modalités d’entrée en vigueur de la réforme en ce qui concerne les injonctions de rencontrer un médiateur et médiations en cours. A tout le moins, on doit pouvoir considérer que les délais fixés par les décisions rendues avant le 1er septembre 2025 (injonction de rencontrer un médiateur dans un certain délai, durée de médiations judiciaires), continuent à courir sans modification. Pour le reste, le décret souligne le rôle actif que le médiateur doit avoir en maintenant informé le juge qui l’a désigné du déroulement de la procédure, ce qui doit inciter aux échanges sur les difficultés que la modification des textes pourrait susciter. La mise en place d’une instruction conventionnelle pourra également accompagner le déroulement de la médiation en cours.

Par ailleurs, le décret uniformise le régime de la conciliation et celui de la médiation judiciaire, le choix entre les différents modes de règlement amiable étant déterminé par le juge en accord avec les parties (nouvel art. 121 du CPC). Les propos suivants sont donc pour l’essentiel applicables tant à la médiation qu’à la conciliation.

  • A- Délais non procéduraux
  • 1- Médiation ou conciliation et prescription

En application de l’article 2238 Cciv, le cours de la prescription est suspendu, c’est-à-dire que le délai de prescription ne court pas pendant la durée du processus de médiation ou de conciliation conventionnelle.

Rq : en cours d’une procédure judiciaire, la prescription est interrompue par l’acte de saisine de la juridiction (art. 2241 Cciv).

Point de départ : Le cours de la prescription est suspendu à compter de la conclusion d’un accord pour entrer en médiation ou, à défaut d’accord écrit, de la première réunion de médiation, ou de la saisine du médiateur institutionnel (Civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-16.530).

Toutefois, une médiation ne commence pas nécessairement par une réunion plénière ; selon le type de processus choisi, celle-ci peut même ne jamais avoir lieu. En l’absence de convention de médiation ou de conciliation signée, la preuve du démarrage du processus peut alors poser un problème. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que de simples négociations ne permettent pas de suspendre la prescription (Soc. 17 octobre 2018, n° 16-28.552 ; Civ. 1, 13 mai 2014, 13-13.406). Les juges du fond apprécient souverainement l’existence de la volonté d’engager un processus de médiation pour suspendre la prescription (Civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-22.867).

Fin de la suspension : La suspension du délai de prescription pour cause de médiation prend fin le jour où l’une des parties, les deux parties ou le médiateur déclarent que la médiation a pris fin et non au terme de la mission du médiateur initialement fixé (Civ. 3, 20 avril 2023, n° 22-12.932).

Les intéressés doivent ainsi veiller à se ménager la preuve de la fin de la médiation.

Le délai de prescription recommence à courir là où il s’était arrêté quand la médiation ou la conciliation a commencé et au moins pour six mois.

Médiation et cours des intérêts

Une médiation n’interrompt pas le cours des intérêts, seule l’ouverture d’une procédure collective ayant cet effet (art. L. 622-28, L. 631-14, L. 641-3 du code de commerce). Les avocats doivent veiller à en informer leur client et à ne pas laisser une médiation s’éterniser sans prendre en considération l’alourdissement des dettes éventuellement en cause.

D’où l’importance pour le médiateur de veiller à mettre fin au processus lorsqu’il est instrumentalisé à des fins dilatoires.

3- Médiation et procédure de première instance devant les juridictions judiciaires

 a- Injonction de rencontrer un médiateur

Selon le nouvel article 1533 du code de procédure civile, le juge peut enjoindre aux parties, à tout moment de la procédure, de rencontrer un médiateur ou un conciliateur afin qu’il les informe sur l’objet et le déroulement du processus. L’injonction définit le délai imparti aux parties pour que cette rencontre se déroule.

Elle peut prévoir la possibilité d’enchainer avec la mise en place du processus de médiation, conventionnelle ou judiciaire, sans retour vers le juge (ordonnances 2 en 1), lorsque le médiateur ou le conciliateur recueille le consentement des parties.

La confidentialité, dont les limites sont définies à l’article 1528-3 du CPC, s’applique à la réunion d’information, ce qui signifie que la présence ou l’absence d’une partie à cette réunion n’est pas confidentielle, pas plus que les pièces qui existaient avant cette réunion et y sont produites.

Entrée en médiation judiciaire

Elle se fait toujours avec l’accord des parties, sauf dans les limites prévues à l’article 750-1 du CPC, soit en suite d’une réunion d’information, soit à tout moment de la procédure, même en référé (art. 1534 CPC).

Lorsque le juge a délégué au médiateur désigné pour délivrer l’information à la médiation le pouvoir de recueillir le consentement des parties au processus amiable, l’article 1534-1 dernier alinéa fixe un délai d’un mois aux parties pour donner ce consentement, ce délai courant à compter de la décision, à peine de caducité. (Rq : cela suppose que les parties ont rencontré le médiateur dans ce délai, ce qui, au moins en période de congés, semble excessivement court).

La durée de la médiation est fixée par le juge dans l’ordonnance qui la décide, au maximum pour cinq mois (auparavant la durée était de trois mois) (art. 1534-4 du CPC).

La durée du processus peut être renouvelé une fois, pour une durée de trois mois, sur demande du médiateur (ibid).

Le point de départ de cette durée est la consignation totale des sommes entre les mains du médiateur (ibid.). A défaut de consignation, la décision est caduque et l'instance se poursuit (Com. 13 septembre 2011, n° 10-19.539).

Avant l’expiration du délai fixé pour le processus, le juge peut décider de mettre fin à la médiation, sur demande d’une partie, du médiateur ou d’office (art. art. 1535-5 CPC CPC).

c- Effet de la mise en place d’une médiation judiciaire sur les délais de procédure

Le calendrier de procédure est fixé par le juge de la mise en état ou le président de la juridiction ou son délégué et, donc, en considération de l’existence d’une médiation.

Les dispositions de l’ancien art. 131-6 du CPC, qui prévoyait que la décision ordonnant la médiation et fixant sa durée indiquerait la date de l’audience à laquelle l’affaire serait rappelée a été supprimée.

Désormais, l’article 1535-5 du CPC dispose qu’à la fin du processus et si la procédure doit se poursuivre, l’affaire est rappelée à une audience à la diligence du greffe.

Cette audience sera fixée le plus rapidement possible : il est souvent précisé par le juge, lorsqu’il désigne un médiateur, que l’affaire bénéficiera d’un rôle prioritaire pour homologuer un accord ou que la procédure se poursuive.

- Désormais, il est acquis que la mise en place d’un processus de médiation judiciaire ou de conciliation interrompt le délai de péremption d’instance « jusqu’à l’issue de la conciliation ou de la médiation » (art. 1534 du CPC)

La Cour de cassation a jugé que « la diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l'affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond ». Elle estime alors qu’une médiation, même si elle avait été ordonnée dans une autre procédure, peut interrompre le délai de péremption sous la condition énoncée qu’elle ait pour objet de résoudre le litige (Civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-15.464).

d- Entrée en médiation conventionnelle et délais de procédure

Si les parties optent pour une médiation conventionnelle en cours de procédure, celle-ci continuera par principe.

Mais les parties disposent de plusieurs instruments pour agir sur le cours de la procédure : signature d’une convention de procédure participative (art. 1538 et s. CPC), demande de retrait du rôle qui doit être formulée par toutes les parties (art. 382 du CPC), demandes de renvoi aux audiences de mise en état.

Une médiation conventionnelle interrompt, comme la médiation judiciaire, le délai de péremption de l’instance en cours en cas de retrait du rôle, dans les conditions définies à l’article 1536-3 du CPC qui sont identiques à celles définies pour la suspension du délai de prescription : le point de départ de l’interruption est fixé au jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation et, à défaut d’accord écrit, au jour de la première réunion. Le délai de deux ans recommence à courir, à compter de la date à laquelle une des parties, les deux, le conciliateur ou le médiateur déclare que le processus est terminé.

Médiation et procédure d'appel et de cassation

Le décret du 18 juillet 2025 n’a pas modifié, au fond, les dispositions applicables, sauf à prévoir la possibilité, y compris devant la Cour de cassation (art. 1012 du CPC).

Devant la cour d’appel

La durée et le déroulement de la médiation devant la cour d’appel sont soumis aux dispositions des articles 1533 et s. du CPC.

Mais les délais de procédure à hauteur d’appel (dits délais Magendie) sont définis par le code de procédure civile sous diverses sanctions.

L’article 910-2 du CPC à compter du 27 février 2022 (et applicable aux instances en cours Civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-20.775) puis, pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2024, l’article 915-3 du CPC disposent que les délais impartis pour conclure et former appel incident ou provoqué mentionnés aux articles 906-2 (pour la procédure à bref délai) et 908 à 910 (pour la procédure avec mise en état) sont interrompus.

Le point de départ de cette interruption est l’ordonnance qui enjoint de rencontrer un médiateur (art. 1533 CPC) ou ordonne une médiation (art. 1534 CPC).

Cette interruption produit « ses effets, selon le cas, jusqu'à expiration du délai imparti aux parties pour rencontrer un médiateur ou achèvement de la mission du médiateur » (art. 915-3 CPC).

La Cour de cassation a jugé que la date de fin de mission du médiateur marquait la fin de l’interruption des délais pour conclure, peu important que le médiateur n’ait pas rendu de rapport de fin de mission ou que l’affaire n’ait pas encore été fixée à une audience de mise en état (Civ. 2, 12 janvier 2023, n° 20-20.941).

Elle a également jugé que, si la médiation prenait fin avant le terme ainsi fixé, le cours des délais pour conclure reprenait à la date de l’ordonnance constatant la fin du processus (ce qui est prévu à l’article 1535-5 CPC) et non au terme initialement fixé (Civ. 2, 23 novembre 2023, n° 21-23.099).

Enfin, la Cour de cassation a précisé que la poursuite des discussions de manière conventionnelle, après la fin de la médiation judiciaire, n’avait pas d’incidence sur la reprise du cours des délais pour conclure (Civ. 2, 12 janvier 2023, précité).

La médiation peut se poursuivre de manière conventionnelle sans effet sur le cours de la procédure sauf conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état (art. 915-3 2° CPC) qui interrompt les délais pour conclure.

Devant la cour de cassation

Les articles 1012 et 1015 CPC prévoient une procédure spécifique de médiation devant la Cour de cassation, mais rien n’interdit à cette juridiction de faire application des articles 1530 et s. du CPC pour s’en affranchir. L'audience de règlement amiable est même prévue comme pouvant se dérouler devant la Cour de cassation (art. 15 du décret modifiant l'article 1012 du CPC).

Lorsque ce sont les dispositions spécifiques à la procédure de cassation qui sont mises en œuvre, la durée de la médiation est limitée à celle de l’examen du pourvoi puisque la mesure de médiation doit avoir pris fin avant la date de l’audience. C’est le président de la formation qui fixe cette date (1012 CPC).


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